Emily Loizeau se soucie de nous

A cause de la pandémie, Emily n’avait pas pu défendre comme il se doit son disque Icare paru en septembre 2021. Et cela était d’autant plus dommage que ce disque enregistré en Angleterre avec John Parish était remarquable. Voilà ce que nous en disions à l’époque : « Un disque aussi viscéral que les précédents, un disque de rock sanguin, de pop tribale, lui collant au corps comme à l’esprit tourmenté par ce monde tournant fou. »
Car oui, c’est la première fois qu’Emily, Anglaise par sa mère et petite-fille de la comédienne Peggy Ashcroft, enregistrait un album en Grande-Bretagne : « J’attendais le bon projet pour ça », nous dit-elle. « Je voulais quelque chose de plus rock pour ce disque au propos empreint de noirceur. Je connaissais bien ce que John avait déjà réalisé avec PJ Harvey ou Dominique A. Boris Boublil, mon musicien, le connaissait bien. C’est aussi Boris qui m’a fait rencontrer Sacha (NDLR : Toorop, le batteur liégeois de Dominique A qui l’accompagne sur cette tournée) qui connaissait bien John via Dominique. Tout se tenait. John est un réalisateur rock qui aime tout ce qui est rugueux… »
Le poids de l’âmeL’entente fut telle entre Emily et John Parish que c’est à nouveau à lui que fera appel la chanteuse pour son prochain disque qu’elle compte enregistrer cet été pour parution en 2024. Avec elle, on revient sur Icare (I Care, je me soucie, en anglais) qui fait bien référence au tableau La chute d’Icare de Breughel qu’elle a vu aux Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles : « J’ai été séduite par ce paysage serein avant de voir en tout petit Icare qui tombe. C’est une métaphore parfaite de ce qu’on vit en ce moment, je trouve. J’ai vraiment eu l’impression que ma vie a basculé au lendemain des attentats du 13 novembre (2015). Ce qui s’est passé au Bataclan m’a d’autant plus touchée que mon amoureux est ingénieur du son et y travaille souvent. J’ai deux petits enfants et jamais je ne me serais doutée qu’ils vivraient dans ce monde-là. C’est suite à cela que j’ai décidé que cet album prendrait le pouls des fracas du monde. Avant le covid. Je parle dans ce disque, sans trop contextualiser, d’une société qui va droit dans le mur. Quand je parle du poids de l’existence, je pense aussi au poids de l’âme, ce à quoi on tient le plus et qui est si fragile. Cette insouciance nous manque. Mais j’ai voulu aussi mettre de la lumière et de la joie dans ce disque qui s’adresse à une génération, à mes enfants qui je l’espère retrouveront cette forme d’insouciance pas naïve pour autant. »
La fille du sudSi ce disque parle de douleur étrange (Le poids de l’existence), de la valeur de la vie suite au drame vécu par George Floyd (We Can’t Breathe) et d’un monde qui est comme un sablier sur le point de se retourner (Renversé), il dresse aussi de beaux portraits comme celui de Celle qui vit vers le sud, adaptation française du Girl From the North Country de Dylan : « Je ne suis pas peu fière d’avoir obtenu de son manager l’autorisation de reprendre la chanson en changeant le texte qui, en français, est différent du sien. Je raconte une autre histoire, celle d’une amie guinéenne fuyant un mariage forcé à 14 ans, que j’ai hébergée. Pour avoir son accord, il m’a simplement demandé à avoir mon texte en anglais. C’était rigolo à faire. Ça me fait toujours du bien de chanter du Dylan, lui le maître si subversif et poétique… »
Avec Camille, la Grande Sophie, Olivia Ruiz ou Jeanne Cherhal… Emily fait partie de cette génération d’artistes féminines qui ont précédé la nouvelle génération des Pomme et Angèle. Même que le temps n’est pas toujours clément avec elles : « Leur place est légitime. Notre génération est toujours là, on continue d’exister même si on est moins habituées aux réseaux sociaux, que ce n’est pas dans notre ADN. C’est parfois compliqué pour nous dans ce monde où on est aussi des produits. À nous de rester fidèles à ce qu’on est, sans épouser les modes. Le chemin est plus difficile, il est fait d’ombres et de lumière. J’ai créé mon label qui me donne la liberté nécessaire, je suis bien entourée heureusement… » Et le plus important sans doute est que le public répond présent dans les salles !
Emily Loizeau sera au W : Halll de Woluwé-Saint-Pierre ce 4 avril. Infos : 02/435.59.99 et www.whalll.be
Album « Icare » (Les éditions de la dernière pluie-PIAS).La chanteuse franco-britannique vient défendre sur la scène du W : HALLL son album « Icare » sorti en 2021.

