Joost Vandendries (ski de vitesse): «La peur est présente à chaque fois que je m’élance»

Le 12 avril 2019, deux semaines après avoir établi le record de Belgique qui tient toujours à 218 km/h, Joost Vandendries est victime d’une terrible chute à l’entraînement, à 170 km/h. Le bilan est lourd : neuf fractures. « Je reviendrai plus fort », promet alors le citoyen d’Overijse. Il continue de se battre pour performer et a endossé d’autres fonctions pour développer le ski de vitesse.
Blessé, Joost Vandendries n’a pas pu tout donner lors des récents championnats du monde. « Après deux runs, alors que j’étais vingtième malgré une belle faute, j’ai été freiné par ma hernie discale. J’ai quitté la course et suis resté pour entourer mes deux copains d’entraînement », nous glisse-t-il ce mercredi, au terme de la dernière manche de Coupe du monde de la saison et de la remise des prix.
Joost, que vous inspire le record du monde battu par Simon Billy ?
Simon est un ami et mon partenaire d’entraînement. Cet hiver, on a encore passé deux mois ensemble. J’étais à ses côtés au départ pour l’encourager. Simon était un tout petit peu derrière le record du monde de 2016 mais on estimait qu’il avait le potentiel pour le battre. La veille de la finale, on a trouvé un problème au casque. Ils se sont mis à plusieurs pour le réparer durant la nuit. Et le jour J, alors que les chances d’y parvenir étaient minimes, il l’a fait ! En France à domicile, avec une grande pression, alors que le ski de vitesse est dans la famille puisque son papa Philippe a été recordman du monde en 1997. J’ai été ému également. Neuf records nationaux ont été battus.
Quand le Covid a entraîné la fermeture des remontées mécaniques en France, vous avez pu continuer à skier en Suisse, à Crans-Montana, mais pas dans les mêmes proportions.
Ma belle-famille possède un appartement à Crans-Montana, il appartient même désormais à mon épouse. En hiver, on essaye d’y venir très régulièrement, avec les enfants. J’adore skier sans forcément faire de la vitesse. La technique, l’équilibre, les sensations, on peut les travailler à moindre allure, il n’est pas forcément toujours nécessaire d’aller très vite. J’avais pu participer à six jours de tests mais uniquement sur des petites vitesses, à 80 km/h.
On pourrait croire que la situation est redevenue normale mais une autre problématique est arrivée.
Absolument. La Belgique est une nation de ski, près de 800.000 personnes skient par an et ont pu constater qu’avec le réchauffement climatique, l’hiver a été compliqué. La saison de vitesse a été fortement perturbée par le manque de neige et Vars, ma station dans les Hautes-Alpes, a récupéré les manches de Suède et Andorre pour accueillir les championnats du monde et des Coupe du monde.
Vous êtes un passionné mais vous n’étiez pas forcément prédestiné à dompter les pentes.
C’est vrai. En Coupe du monde de ski de vitesse, il n’y a que de très bons skieurs, certains ont même été champions du monde en alpin chez les juniors. On retrouve des guides de haute montagne, des professeurs de ski. Sur le circuit mondial, je pense être le moins bon skieur, même si au niveau belge on peut considérer que j’ai un très bon niveau. J’ai appris à skier très tard, à 18 ans, et je ne pourrai jamais combler ce retard. Par exemple, je sais que je ne pourrai jamais me lancer dans un slalom géant car ça s’apprend en ski club ou en dôme, ce que je n’ai jamais connu. Mais lors d’une année classique, je passe environ 120 jours en montagne.
Le ski de vitesse est une discipline incroyablement exigeante. Vous n’avez pas choisi la voie de la tranquillité.
J’adore ce mélange de vitesse, de technique, d’aérodynamisme. Le côté scientifique est très important. Avec le temps, j’ai pu combler une partie de mon retard pour me retrouver plusieurs fois dans le top 10 en Coupe du monde. C’est aussi la seule discipline qu’il m’était possible de pratiquer en compétition. Quand je pars en Coupe du monde, je suis l’athlète, le directeur d’équipe, le préparateur du matériel, celui qui participe aux réunions officielles. Je suis occupé de 6h du matin à minuit sans arrêt, ce qui n’est pas l’idéal avant une épreuve. J’aime ça mais toute aide serait la bienvenue.
Ce manque de reconnaissance vous chagrine ?
J’ai beaucoup de respect pour tous les sports et athlètes mais j’avoue que je ne comprends pas toujours la présence de certaines disciplines aux Jeux olympiques alors que le ski de vitesse brille par son absence. Je ne prêche pas que pour ma paroisse, le ski en général mériterait plus d’attention. Je tente d’amener ma pierre à l’édifice mais les aides financières se font attendre. Je n’en veux pas à la fédération belge de ski qui ne peut pas donner ce qu’elle n’a pas mais quand je vais sur une compétition, j’achète mes tenues, en sachant qu’une en latex coûte 1.000 euros, et je mets un logo belge pour ne pas avoir l’air con (sic) face aux autres pays qui ont des combinaisons officielles. Ce n’est pas normal.
Quels objectifs vous animent encore ?
J’ai le record de Belgique à 218 km/h. Mon objectif était d’aller chercher les 230 km/h mais le Covid a tout chamboulé puis j’ai eu des blessures. J’ai toujours en tête de battre mon record national. Au niveau du potentiel, de la technique, de la connaissance aérodynamique, du matériel, du fartage, je suis encore assez bon. Mais il faut voir si mon corps tient… Il faut être prudent car c’est un sport extrême. D’ailleurs, la peur est présente à chaque fois que je m’élance et j’ai mis du temps à me remettre physiquement et mentalement de la grosse chute dont j’ai été victime. À côté de ça, j’ai été élu parmi les représentants des athlètes au niveau de la fédération internationale de ski. On n’est que quatorze dans le monde… On a des réunions sur le futur des sports d’hiver et on sent un engouement auprès de pas mal de dirigeants. Le ski de vitesse sport olympique prochainement, j’y crois, je l’espère. Je donne également des coups de main dans des organisations.
Vous prônez la vitesse… mais de manière raisonnée.
À 250 km/h, la moindre petite faute peut avoir de grandes conséquences mais on est encadrés. Je serais ravi que la relève arrive, par contre je suis le premier à lutter contre la vitesse sur les pistes. Les jeunes aujourd’hui ne pensent qu’à aller chercher les 100 km/h sans se rendre compte qu’ils se mettent en danger et qu’ils mettent les autres en danger. C’est ridicule et honteux. Le ski de vitesse est un vrai sport.
Recordman de Belgique, le Belge Joost Vandendries vient de voir son ami et partenaire d’entraînement, le Français Simon Billy, améliorer la plus haute vitesse mondiale en atteignant… 255,5 km/h à Vars.