Quelque chose en nous du Métropole




La théière et le sucrier de porcelaine blanche avec « L’Alban Chambon » inscrit en bleu ciel. Le meuble de bar du café en bois mouluré, avec son repose-pieds en laiton doré. L’immense comptoir de la réception (16,96 m sur 11,48 m), sa petite porte battante et son casier à clefs. La porte de la suite Annie Cordy, chambre 5053. Le sapin de Noël et ses décorations. La statue de sainte Geneviève dans la cour. Les chaises en rotin de la terrasse. Le chariot porte-bagages. La veste de groom, le haut-de-forme du portier, le manteau de laine, la cape et la casquette du voiturier. Le piano.
Triste ? « Au contraire ! s’exclame Elsa Joly-Malhomme, responsable de la vente menée par Ader Nordmann, l’une des principales maisons de ventes aux enchères françaises, dont les origines remontent à 1692. Nous sommes les premiers fans du Métropole et de son histoire très ancienne. L’idée, justement, était d’éviter que cet énorme volume de mobilier – 250 chambres quand même – parte à la benne ! Nous comprenons ce pincement au cœur, personne n’a envie de brader un hôtel aussi mythique. C’est pourquoi nous avons pris le temps de faire de belles photos et des fiches pour chacun des lots de la vente publique du 30 mars et des deux ventes fleuves qui se déroulent en ligne (550 lots chacune). Il y a déjà beaucoup d’inscrits, beaucoup d’ordres d’achat déposés par des amateurs et amatrices belges, bruxellois pour la plupart. Et voilà en quoi c’est un événement joyeux : une nouvelle page s’ouvre. Tout le monde va pouvoir emporter un peu du Métropole chez soi. »
Près de 1.300 lots au totalAu catalogue, tout ce qu’on peut trouver dans une chambre d’hôtel : miroirs, cadres, canapés, bergères, corbeilles à papier, lustres, rideaux, embrasses… Et tout ce qu’on peut trouver dans un bar et un restaurant : vaisselle, assiettes, tasses et sous-tasses, couverts gravés des lettres entrelacées HM… La suite Présidentielle et les suites Sarah Bernhardt, Rudolph Noureev, Isadora Duncan, Mstislav Rostropovitch, Francis Huster, François Weyergans ou Annie Cordy : vidées.
En provenance du Jardin Indien, deux paons mâles naturalisés, sur une branche en bois naturel. Vendus à la pièce. Petits manques de plumes et petits accidents. Estimation 1.000-2.000€ (chacun). Mise à prix 500€. - D.R.
De quoi faire rêver les adeptes des arts décoratifs du XXe siècle, fans d’Art déco et Art nouveau, qui se précipiteront sur les créations d’Adrien Blomme (1878-1940) ou de Fernand Chambon (1876-1944). Chambon (fils d’Alban, l’architecte, lire ci-dessous) dont le mobilier complet de la chambre 6061 – sa coiffeuse néoclassique en bois clair, son bureau moderniste, son cabinet à niches et ses tables de chevet, pieds laqués noirs, dessus d’opaline… – sera vendu en un seul lot estimé 500-800 euros.
Un hôtel en excellent état« C’est notre première vente à Bruxelles, explique la fondatrice de la branche Entreprises & Patrimoine de la maison Ader. Nous sommes spécialistes des ventes d’hôtels et de grandes institutions – comme le Crillon, le Grand Hôtel-Intercontinental, l’Ancien Hôtel W Paris-Opéra, mais aussi Radio France, Canal +, la RATP ou le Palais de la Découverte – et je dois dire que nous avons été impressionnés par le très bon état du Métropole. Alors qu’il était fermé depuis trois ans, une équipe est restée sur place non-stop pour le protéger et le surveiller. J’en profite pour remercier ces gens avec qui nous avons travaillé main dans la main et qui nous ont raconté un tas d’anecdotes sur ce lieu auquel ils sont attachés depuis des années. Notez d’ailleurs que pas mal de choses resteront sur place, les lustres, le fameux livre d’or, les archives qui y seront conservées, beaucoup d’espaces classés du rez-de-chaussée, fin XIXe… »
En provenance de la suite Annie Cordy, table de salon moderniste en métal nickelé attribuée à Adrien Blomme (1878-1940). Plateau octogonal en verre clair, base en bois laqué noir. Vers 1930. Etat d’usage, sauts de laque. Estimation 400-600€. Mise à prix 200€. - D.R.
Si elle devait emporter un souvenir, Elsa Joly-Malhomme, ce serait l’une des vitrines Chambon du hall d’entrée, années 1930-1940. Ou le grand plan de la Belgique en relief, avec les petits boutons qui s’allument « et qui fonctionne toujours ! » La table de salon moderniste de la suite Annie Cordy, « une œuvre d’Adrien Blomme, figure majeure de l’Art déco en Belgique, autour de laquelle l’expert Emmanuel Eyraud a fait un gros travail d’attribution et de recherche. »
Vue du dancing La Frégate, travail belge du XXe siècle. Gouache et aquarelle sur papier contrecollé sur carton 62x91,5cm. Petits manques dans le coin inférieur gauche. Estimation 400-800€. Mise à prix 200€. - D.R.
Et vous ? Que pensez-vous de la vue du dancing La Frégate, installé rue Neuve, début des années 1930, sous le cinéma Métropole ? « Une très jolie gouache et aquarelle qui était accrochée dans un couloir du 5e étage de l’hôtel. » Une chambre entière ? Laquelle ? « Chacune a un style différent, une décoratrice y a travaillé durant des années. » Les deux paons mâles du jardin indien ? « Il en reste deux, qui ne seront pas mis en vente ». Le piano ? Allez, oui, le piano. Et avant d’emporter ce prestigieux symbole des grands soirs, peut-être pourriez-vous y jouer quelques notes. Pourquoi pas The show must go on ?
Vente aux enchères publique ce jeudi 30 mars à 14h à l’Hôtel Métropole, 31 place de Brouckère, 1000 Bruxelles. Deux ventes en ligne également : l’une qui se clôture déjà ce vendredi 31 mars à 11 h, l’autre le 11 avril. Exposition partielle des lots, sur rendez-vous les 29 (11-20h) et 30 mars (10-13h). Infos : www.ader-ep.com/
Lui dire au revoir et emporter chez soi un souvenir du prestigieux hôtel de la place de Brouckère. La première des trois ventes aux enchères du mobilier, des luminaires et objets de décoration provenant du Métropole a lieu ce jeudi 30 mars à Bruxelles.

