Valérie Glatigny sur la crise en Fédération Wallonie-Bruxelles: «Il n’y aura plus de petit deal en dessous de la table»

Lorsqu’elle est passée, en 2019, de l’ombre des institutions européennes à la lumière du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny ne s’attendait certainement pas à être, quatre ans plus tard, au cœur d’une crise politique majeure entre francophones. Voire au centre d’une partie d’échec entre présidents de partis à l’ego surdimensionné. Elle revient sur les leçons de la crise.
Qu’est-ce qui a permis, ce week-end, de dégager une solution ?
Nous avons réussi à mettre les menaces de côté, menaces qui avaient juste eu pour effet de retarder la solution puisqu’elles ont provoqué un report du point au gouvernement. Ce fut un dossier extrêmement difficile : il dit la difficulté de changer des réflexes politiques assez anciens qui visent à privilégier un territoire plutôt qu’un autre. Or, en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, je voulais montrer que je suis ministre pour toute la Fédération Wallonie-Bruxelles et pas pour une province plutôt qu’une autre. Bref, les menaces mises de côté, nous avons retrouvé une cohésion gouvernementale, avec des partenaires constructifs. Si d’autres dossiers non prévus dans la déclaration de politique communautaire – c’était le cas de celui-ci – devaient arriver, nous avons convenu d’en débattre d’abord au gouvernement.
Donc à ne pas s’exprimer publiquement avant cette étape ?
C’est ce qu’on m’a reproché. Vous devez cependant savoir que dans le dossier du master en médecine à l’Umons, j’ai reçu des pressions de toutes parts dès les premiers jours de mon mandat. Dois-je aussi rappeler que l’université de Mons a lancé un communiqué de presse en décembre, avant même que les demandes d’habilitations ne soient déposées sur ma table. Les pressions sont anciennes. Tout le monde savait qu’un tel dossier ne pouvait pas être géré sans tension.
Vous évoquez des réflexes sous-localistes, mais la solution donne un peu raison à ceux qui les pratiquent non ?
Oui et non. Je pense que tous les arguments que j’avais soulevés ont été rencontrés. Je refusais le surfinancement de ces étudiants à Mons au détriment d’autres : il n’y aura pas de surfinancement. On a réglé la question de l’hôpital universitaire : l’habilitation sera retirée s’il devait y avoir un projet en la matière. J’avais des doutes sur l’argument de réduction de la pénurie, or l’exemple de Namur et Liège est parlant : Namur n’a pas de master mais la situation y est plus favorable qu’à Liège qui a un master. Je continue de penser qu’il n’y a pas forcément de lien entre l’endroit où on étudie et l’endroit où on s’installe. Une étude sera menée dans 5 ans pour objectiver l’effet du master à ce sujet. De façon plus générale, nous avons désormais une révision du système des habilitations pour arrêter cette course à l’étudiant : une ouverture devra donner lieu à une fermeture, absence de financement les trois premières années pour responsabiliser les établissements, moratoire de deux ans… De plus, on va régler sur le long terme ce système vicié où les établissements sont poussés à demander sans cesse de nouvelles habilitations pour attirer les étudiants et donc ils se font une concurrence stérile.
Qui a gagné ?
Ne comptez pas sur moi pour raconter que j’ai gagné. Pour moi, la politique, c’est l’art du compromis. Et un compromis, ce n’est ni une compromission ni de l’entêtement. Ça demande du courage et je pense qu’on a réussi à faire preuve de courage. Nous avons des conditions très strictes qui encadrent le master et nous avons une réforme complète du système d’habilitation ; cela contribue une bonne gestion des impôts des citoyens.
Comprenez-vous la dramatisation dans laquelle on est allé avec ce dossier ?
C’est un dossier qui dit beaucoup sur les vieux réflexes politiques qui visent à privilégier un territoire plutôt qu’un autre. Mais je ne me sens pas diminuée parce que j’ai fait un compromis.
Est ce que le gouvernement est apaisé aujourd’hui ?
Oui. Vous savez, on a dû gérer des sujets beaucoup plus compliqués : le deal sur les numéros Inami qui a permis de diplômer 250 médecins en plus, la refonte du décret paysage, le refinancement de l’enseignement supérieur, la fusion UCLouvain/Saint-Louis. A chaque fois, on a eu des partenaires avec lesquels on pouvait discuter. Ce fut finalement le cas ici aussi. Par ailleurs, n’oublions pas qu’on a réussi à mettre de vrais problèmes sur le devant de la scène comme celui de la pénurie de médecins ou la manière d’organiser l’ouverture de nouvelles formations. Désormais, il n’y aura plus de petit deal en dessous de la table. Ça ne veut pas dire que ça se fait dans la facilité, ni qu’il n’y ait eu pas de pression très importante sur moi ces derniers jours mais je pense que ça n’a pas été vain.
Vrai débat sur la manière d’aborder la pénurie, révision en profondeur du système des habilitations, dénonciation du sous-localisme… La ministre de l’Enseignement supérieur tire les leçons de la crise.
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