Deux masters en médecine, à Mons et à Namur, et une sortie de crise pour la Communauté française
Deux masters en médecine, à Mons et à Namur, et une sortie de crise pour la Communauté française D.R. La nouvelle est tombée ce samedi, aux alentours de 20h, après des semaines de guerre ouverte entre les partis de la majorité gouvernementale PS-MR-Ecolo et de négociations, en coulisses cette fois, avec les ministres de cette même majorité. Résultat des courses, il y aura bien deux nouveaux masters en médecine sur le territoire de la Communauté française. L’un à l’Université de Mons. L’autre, en médecine générale, à l’Université de Namur. « Tout ça pour ça », diront certains. Oui et non… L’accord, qui octroie par la même occasion 55 autres habilitations, est bien assorti de limites très strictes. Financières, d’abord. L’Université de Mons ne pourra pas bénéficier d’un surfinancement pour la création d’un master en médecine. Ce sont les 450.000 euros de surcoût sur trois ans mentionnés par le MR. Les étudiants seront donc financés à 85 %, et non à 100 % comme pour les universités de taille moyenne. « Nous nous y attendions totalement, c’était déjà le fruit d’une réflexion que nous avions eue », assure Philippe Dubois, recteur de l’UMons et force vive dans ce dossier. « Nous allons recevoir des soutiens du monde industriel et privé, dont le montant s’élève à 150.000 euros par an. » A l’UNamur, où il sera question d’un master de spécialisation en médecine générale et non d’un master classique, la question financière est moins prégnante. « Pour les masters de spécialisation, nous ne sommes financés que deux ans par la Fédération Wallonie-Bruxelles au lieu de trois, donc on sait bien que l’université va devoir mettre de sa poche », fait savoir Pierre Gardin, doyen de la faculté de médecine. À lire aussi L’UNamur met un coup de pression pour obtenir son habilitation en médecine Autre restriction applicable aux établissements : l’évaluation des deux masters susmentionnés, et de leur plus-value, au bout de cinq années d’existence. Une étude indépendante sera chargée d’analyser l’existence d’un lien entre la création d’un master et l’installation de médecins généralistes en zone en pénurie. Autrement dit, le principal objectif à la création de ces deux masters. « Je trouve ça plutôt sain », indique Philippe Dubois. « J’aurais évidemment préféré que le délai soit plus long pour achever un cycle complet, mais il s’agit certainement d’un compromis politique », ajoute de son côté Pierre Gardin. Enfin, l’UMons aura l’interdiction formelle de solliciter l’ouverture d’un hôpital universitaire (qui coûterait 3 à 4 millions d’euros par an à la FWB). En cas de rupture de contrat, la formation sera directement interrompue. « Il serait d’ailleurs suicidaire de notre part de créer un hôpital universitaire et de mettre à mal notre partenariat avec l’ULB », confesse le recteur montois. « On s’attendait dès le départ à ces mesures restrictives. » La fin d’une séquence politique Reste que toute cette séquence politique laisse un goût amer. Politiquement, il faudra de nouveau recoller les morceaux après le coup de force de Georges-Louis Bouchez, esseulé, qui a voulu passer en force sans tenir compte de l’avis de ses partenaires de majorité, et celui de Paul Magnette qui, ulcéré sur le fond et la forme, a fait de ce dossier finalement banal dans une législature un casus belli, menaçant le MR de trouver une majorité alternative. Sans le sang-froid du gouvernement de la Communauté française qui a repris la main, faisant fi des oukases présidentiels, le dossier patinerait encore. « On a perdu du temps, car un accord similaire était déjà sur la table il y a 15 jours », dit-on d’un côté. « La réalité est plus nuancée : cela fait des semaines qu’on négocie dans ce dossier, et sans les sorties présidentielles, tout aurait été plus vite », dit-on de l’autre. À lire aussi Médecine à l’UMons: pourquoi Magnette a joué l’épreuve de force contre Bouchez Pour éviter que la prochaine pomme de discorde ne tourne en mélodrame, les présidents de parti ont passé un pacte : s’en tenir aux accords de gouvernement, discuter entre partenaires de majorité dans le cas d’un dossier qui se situerait hors-accord de gouvernement, et éviter de brandir la menace d’une majorité alternative. A voir si la trêve tiendra, chaque parti avançant déjà ses arguments pour montrer qu’il sort gagnant de la séquence. « Or, dans chaque compromis, on gagne un peu et on perd un peu », lâche une source proche du dossier. Car, si le MR a dû observer une courbe rentrante quant à l’existence d’un master à Mons et à Namur, il a réussi à imposer l’interdiction de surfinancement et celle de solliciter l’ouverture d’un hôpital universitaire. Quant aux socialistes, ils peuvent se targuer d’avoir obtenu ce qu’ils désiraient (le master à Mons), mais au prix d’une menace dont ils ne sortent pas grandis, et d’ajustements qui encadrent bien mieux la création de ces masters. Un calendrier bouleversé ? Pour les universités, l’heure est aux réjouissances, malgré le tournant brûlant et inattendu qu’aura pris un dossier, à première vue, minoritaire. « Tout le monde s’y retrouve et je m’en réjouis », résume Philippe Dubois. Lui qui s’était pourtant livré avec le président du MR (également membre du CA de l’UMons) à une véritable passe d’armes, allant jusqu’à réclamer sa démission du CA. « Que ça soit très clair », nous dit-il : « je n’ai jamais eu aucun conflit interpersonnel ni avec le président du MR, ni avec la ministre Glatigny. J’ai constaté un désaccord sur ce dossier, je constate que l’on a trouvé un accord. C’est tout ce que je retiendrai. » À lire aussi A l’UMons, le recteur veut la démission de Georges-Louis Bouchez Alors que l’UMons maintiendra l’ouverture de son master à la rentrée 2024-2025, comme initialement prévu, l’UNamur pourrait bien voir son calendrier bouleversé. Le doyen Pierre Gardin se dit déçu à l’égard du monde politique qui a, lui semble-t-il, « instrumentalisé un dossier purement technique ». L’Université de Namur avait prévu d’ouvrir son master de spécialisation à la rentrée 2023-2024. Désormais, elle ne souhaite plus avancer de timing : « Il y a déjà bien longtemps que l’on aurait dû recevoir cette réponse. Notre calendrier a été bouleversé par cette tempête politique. Je suis convaincu que sans le master de l’UMons, le nôtre aurait déjà été accordé. On n’a pas arrêté de faire un amalgame entre nos demandes. » Afin de prévenir d’un nouvel imbroglio, l’accord de majorité prévoit de réformer le fonctionnement du système des habilitations. Jusqu’à la fin de la législature, aucune nouvelle offre de formation ne sera accordée. Après ça, toute nouvelle habilitation devra s’organiser sans financement pendant trois ans de façon, dit-on, à responsabiliser les établissements. Suite et, très certainement, fin du dossier des masters en médecine. Le gouvernement a tranché : l’UMons aura son master… sous certaines conditions. Au sein des partis de la majorité, chacun célèbre la victoire face à son adversaire. Par Charlotte Hutin et Stéphane Vande Velde Le 26/03/2023 à 19:16
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Deux masters en médecine, à Mons et à Namur, et une sortie de crise pour la Communauté française
Deux masters en médecine, à Mons et à Namur, et une sortie de crise pour la Communauté française D.R. La nouvelle est tombée ce samedi, aux alentours de 20h, après des semaines de guerre ouverte entre les partis de la majorité gouvernementale PS-MR-Ecolo et de négociations, en coulisses cette fois, avec les ministres de cette même majorité. Résultat des courses, il y aura bien deux nouveaux masters en médecine sur le territoire de la Communauté française. L’un à l’Université de Mons. L’autre, en médecine générale, à l’Université de Namur. « Tout ça pour ça », diront certains. Oui et non… L’accord, qui octroie par la même occasion 55 autres habilitations, est bien assorti de limites très strictes. Financières, d’abord. L’Université de Mons ne pourra pas bénéficier d’un surfinancement pour la création d’un master en médecine. Ce sont les 450.000 euros de surcoût sur trois ans mentionnés par le MR. Les étudiants seront donc financés à 85 %, et non à 100 % comme pour les universités de taille moyenne. « Nous nous y attendions totalement, c’était déjà le fruit d’une réflexion que nous avions eue », assure Philippe Dubois, recteur de l’UMons et force vive dans ce dossier. « Nous allons recevoir des soutiens du monde industriel et privé, dont le montant s’élève à 150.000 euros par an. » A l’UNamur, où il sera question d’un master de spécialisation en médecine générale et non d’un master classique, la question financière est moins prégnante. « Pour les masters de spécialisation, nous ne sommes financés que deux ans par la Fédération Wallonie-Bruxelles au lieu de trois, donc on sait bien que l’université va devoir mettre de sa poche », fait savoir Pierre Gardin, doyen de la faculté de médecine. À lire aussi L’UNamur met un coup de pression pour obtenir son habilitation en médecine Autre restriction applicable aux établissements : l’évaluation des deux masters susmentionnés, et de leur plus-value, au bout de cinq années d’existence. Une étude indépendante sera chargée d’analyser l’existence d’un lien entre la création d’un master et l’installation de médecins généralistes en zone en pénurie. Autrement dit, le principal objectif à la création de ces deux masters. « Je trouve ça plutôt sain », indique Philippe Dubois. « J’aurais évidemment préféré que le délai soit plus long pour achever un cycle complet, mais il s’agit certainement d’un compromis politique », ajoute de son côté Pierre Gardin. Enfin, l’UMons aura l’interdiction formelle de solliciter l’ouverture d’un hôpital universitaire (qui coûterait 3 à 4 millions d’euros par an à la FWB). En cas de rupture de contrat, la formation sera directement interrompue. « Il serait d’ailleurs suicidaire de notre part de créer un hôpital universitaire et de mettre à mal notre partenariat avec l’ULB », confesse le recteur montois. « On s’attendait dès le départ à ces mesures restrictives. » La fin d’une séquence politique Reste que toute cette séquence politique laisse un goût amer. Politiquement, il faudra de nouveau recoller les morceaux après le coup de force de Georges-Louis Bouchez, esseulé, qui a voulu passer en force sans tenir compte de l’avis de ses partenaires de majorité, et celui de Paul Magnette qui, ulcéré sur le fond et la forme, a fait de ce dossier finalement banal dans une législature un casus belli, menaçant le MR de trouver une majorité alternative. Sans le sang-froid du gouvernement de la Communauté française qui a repris la main, faisant fi des oukases présidentiels, le dossier patinerait encore. « On a perdu du temps, car un accord similaire était déjà sur la table il y a 15 jours », dit-on d’un côté. « La réalité est plus nuancée : cela fait des semaines qu’on négocie dans ce dossier, et sans les sorties présidentielles, tout aurait été plus vite », dit-on de l’autre. À lire aussi Médecine à l’UMons: pourquoi Magnette a joué l’épreuve de force contre Bouchez Pour éviter que la prochaine pomme de discorde ne tourne en mélodrame, les présidents de parti ont passé un pacte : s’en tenir aux accords de gouvernement, discuter entre partenaires de majorité dans le cas d’un dossier qui se situerait hors-accord de gouvernement, et éviter de brandir la menace d’une majorité alternative. A voir si la trêve tiendra, chaque parti avançant déjà ses arguments pour montrer qu’il sort gagnant de la séquence. « Or, dans chaque compromis, on gagne un peu et on perd un peu », lâche une source proche du dossier. Car, si le MR a dû observer une courbe rentrante quant à l’existence d’un master à Mons et à Namur, il a réussi à imposer l’interdiction de surfinancement et celle de solliciter l’ouverture d’un hôpital universitaire. Quant aux socialistes, ils peuvent se targuer d’avoir obtenu ce qu’ils désiraient (le master à Mons), mais au prix d’une menace dont ils ne sortent pas grandis, et d’ajustements qui encadrent bien mieux la création de ces masters. Un calendrier bouleversé ? Pour les universités, l’heure est aux réjouissances, malgré le tournant brûlant et inattendu qu’aura pris un dossier, à première vue, minoritaire. « Tout le monde s’y retrouve et je m’en réjouis », résume Philippe Dubois. Lui qui s’était pourtant livré avec le président du MR (également membre du CA de l’UMons) à une véritable passe d’armes, allant jusqu’à réclamer sa démission du CA. « Que ça soit très clair », nous dit-il : « je n’ai jamais eu aucun conflit interpersonnel ni avec le président du MR, ni avec la ministre Glatigny. J’ai constaté un désaccord sur ce dossier, je constate que l’on a trouvé un accord. C’est tout ce que je retiendrai. » À lire aussi A l’UMons, le recteur veut la démission de Georges-Louis Bouchez Alors que l’UMons maintiendra l’ouverture de son master à la rentrée 2024-2025, comme initialement prévu, l’UNamur pourrait bien voir son calendrier bouleversé. Le doyen Pierre Gardin se dit déçu à l’égard du monde politique qui a, lui semble-t-il, « instrumentalisé un dossier purement technique ». L’Université de Namur avait prévu d’ouvrir son master de spécialisation à la rentrée 2023-2024. Désormais, elle ne souhaite plus avancer de timing : « Il y a déjà bien longtemps que l’on aurait dû recevoir cette réponse. Notre calendrier a été bouleversé par cette tempête politique. Je suis convaincu que sans le master de l’UMons, le nôtre aurait déjà été accordé. On n’a pas arrêté de faire un amalgame entre nos demandes. » Afin de prévenir d’un nouvel imbroglio, l’accord de majorité prévoit de réformer le fonctionnement du système des habilitations. Jusqu’à la fin de la législature, aucune nouvelle offre de formation ne sera accordée. Après ça, toute nouvelle habilitation devra s’organiser sans financement pendant trois ans de façon, dit-on, à responsabiliser les établissements. Suite et, très certainement, fin du dossier des masters en médecine. Le gouvernement a tranché : l’UMons aura son master… sous certaines conditions. Au sein des partis de la majorité, chacun célèbre la victoire face à son adversaire. Par Charlotte Hutin et Stéphane Vande Velde Le 26/03/2023 à 19:16